June 25, 2020
” DOXA “
Un artiste face à l’urgence climatique.
An artist facing the climate emergency.
—————————-
328 X 660 X 550 cm
/ aerosol sur inox
/ spraycan on stainless steel
Dédale / Vannes (56) – France
—————————-
Cette installation s’inscrit dans une réflexion en cours où les questions ne reçoivent pas encore de réponses claires et arrêtées. Tandis que le monde évolue sans cesse, chaque alerte s’empile sur ma table de travail comme autant de nouvelles questions.
Vous savez bien. L’artiste est un témoin. Il n’est pas là pour séduire et mentir. Il interpelle et à travers son œuvre, met en danger celle ou celui qui la pénètre. C’est un lieu commun qu’il n’est jamais inutile de rappeler tant la rue s’est livrée de nouveau aux ornements et à une orgie tout aussi décorative qu’elle me semble désuète. Ces mêmes motifs sur lesquels j’avais appris salement à peindre et à faire l’amour… il y a presque 40 ans.
Urgence il y a. C’est indéniable. Otto Dix alertait sur la montée du nazisme en son temps. Que ferait-il face à la catastrophe écologique à venir ? Se suffirait-il d’un tableau ? Deviendrait-il un militant, tournant alors le dos au confort de l’atelier et à la catharsis collective qu’offre toute exposition ?
Pourtant, je n’ai jamais cru à l’engagement artistique en dehors de la rue. Bien sûr, préférer chanter la révolte à une ritournelle amoureuse, c’est en soit s’engager. Mais le danger planétaire est tel, que l’implication de l’artiste me semble devoir être autrement plus puissante et entière. Car chanter c’est faire danser et s’oublier. Et sur quel tempo ? Celui des tsunamis et de la terre qui craque sous un soleil meurtrier ?
« Doxa » est une de mes hypothèses de réponse. Elle n’est, ni ne sera, la seule.
Je garde du mot « Doxa » cet effort désespéré à maintenir une idéologie dans la confusion. J’y entends une pensée molle, très peu contraignante qui mène à la survie par le déni. Voire, au statu quo… Mon parti pris est de la prendre à son propre jeu. De la confronter à son propre cynisme, de l’acculer dans une de ces architectures monstrueuses où les contraires se donnent le visage de l’ordre et du diktat. Et accessoirement de la grande culture.
L’interprétation que vous donnerez de cette pièce sera la bonne car d’abord elles vous appartiennent. L’une et l’autre.
Gardez cependant à l’esprit que j’aime les gouffres et leurs mystères. Que je suis profondément mystique sans être religieux. Et qu’enfant, déjà, je jouais à me perdre. Tout en ressentant de la peur face à l’inconnu. À la perte de soi. Rien ne pouvait m’arrêter. Je m’enfonçais toujours plus loin. Seul.
Quand j’ai commencé la pratique du writing, les gouffres étaient devenus les terrains vagues. Ces vastes zones où les bâtiments, frappés d’obsolescence, se transformaient en ruines. Et en terrains de jeu pour enfants terribles. Une dizaine de « peintres mineurs » faisaient revivre le cœur industriel. Ou, le polluaient-ils en retour ? Ne le vandalisaient-ils pas pour mieux le métamorphoser et cela jusqu’à l’effacement ?
La topologie de « Doxa » se joue des mêmes enjeux sans aucune règle claire sinon celle d’adhérer au plus près à la réflexion que je vous décrivais en introduction.
J’aurais pu utiliser des éléments dit naturels pour me confronter à la catastrophe. Mais me plaçant au sein de la doxa architecturale et technologique, sur le modèle absurde d’un jardin public planté au centre de la ville toxique, j’ai joué de ce conflit des géographies et des matériaux. L’acier ou le béton fondent la ville. Pas les branches d’un arbre.
Bâtiments. Prisons verticales. Cellules de confinement. Colonnes de serveurs informatiques. Vous les verrez comme vous le désirez. Ces façades surprotégées doivent résonner comme des volcans urbains. Proche de l’explosion. C’est la mauvaise herbe qui reprend le contrôle de la ville sale. Et en face, il y a la machine rouge qui se décompose. Chaque ligne du plan se dissout. Certains en rient mais fuient. Quand d’autres voient l’enfer. Notre enfer. Où le ciel sera d’un bleu toujours plus ravageur.